dimanche 12 juin 2011

Nzuzi wa Mbombo : les recettes pour assurer la survie de la femme en politique

          L’une de premières femmes à occuper des fonctions politiques en République démocratique du Congo, Catherine Nzuzi wa Mbombo  milite pour l’accession d’un grand nombre de dames dans la direction des institutions publiques. Forte de sa quarantaine d’années de carrière politique, elle estime le moment opportun pour prodiguer des conseils à la jeune génération.
  
Dans la sphère des femmes actives en politique, Catherine Nzuzi wa Mbombo a réussi à se faire remarquer et à s’imposer de tout son poids. L’une des rares dames à diriger un parti politique en RDC, la présidente du MPR/Fait privé (Mouvement populaire de la Révolution, héritage de l’ancien parti-Etat du régime Mobutu, NDLR) compte parmi les sept femmes pionnières nommées bourgmestres par le président Mobutu aux lendemains de l’Indépendance de l’ex-Zaïre.     

Fille du tout premier citoyen noir élu bourgmestre d’une commune à Kananga (ex-Luluabourg) en 1958, dans la province du Kasaï Occidental, en pleine période coloniale, elle a bénéficié de l’aura paternel pour se frayer un chemin dans la politique. A l’instar de son père, cette jeune militante de la première association pour l’émancipation de la femme (Union des femmes congolaises- UFC) s’est retrouvée bourgmestre, cette fois à Kinshasa, particulièrement dans la commune de la Gombe. Catherine Nzuzi n’avait alors que 23 ans.

Dès lors, son ascension ira fulgurante. Son dynamisme d’alors au sein du MPR, Parti-Etat, au plus fort du régime Mobutu, lui permettra de gravir plusieurs échelons. Elle sera ainsi propulsée Vice-présidente du Comité central, l’équivalent du Vice-président de la République. Au fil du temps, elle assumera les fonctions de Vice-gouverneur et, plus tard, de Gouverneur de Kinshasa, après avoir été Gouverneur du Bas-Congo. En 2003, au terme du Dialogue intercongolais, elle sera nommée ministre de la Solidarité et Affaires humanitaires, avant de postuler à l’élection présidentielle de 2006.

«Il faut bosser deux fois plus en tant que femme
pour être reconnue et respectée sur le plan professionnel»

Tirant les leçons du passé, Catherine Nzuzi wa Mbombo encourage la jeune génération féminine à embrasser la carrière politique, convaincue que si elle ne s’occupe pas de la politique, la politique s’occupera d’elle. «C’est une obligation citoyenne noble de vouloir servir son pays, mais ce métier est très exigeant, certes gratifiant, mais souvent ingrat», avertit-elle.

Cette aspiration légitime n’est toutefois pas facile à assumer, reconnaît Catherine Nzuzi wa Mbombo. L’engagement politique implique, selon elle, une dose de compétence, de loyauté, de persévérance, de sérieux et une remise en question permanente pour se distinguer dans l’excellence. «Ce n’est pas un secret, il faut bosser deux fois plus en tant que femme pour être reconnue et respectée sur le plan professionnel», martèle-t-elle.

Aux dires de Nzuzi wa Mbombo, choisir d’évoluer en politique, c’est aussi accepter de prendre des risques, la politique étant à tous égards un métier ingrat. «Sous le vocable de la raison d’Etat, se cachent le plus souvent les règlements des comptes, les coups bas et les trahisons, constate-t-elle. Il faut donc être blindé et armé moralement pour ne pas trahir ses convictions et persévérer dans un combat intègre et juste».
«La politique est une fonction parlante. Il faut savoir revendiquer
ses droits à haute voix et dire ses aspirations.».

Nzuzi wa Mbombo fustige à ce propos l’attitude de ces femmes qui se lancent dans la politique juste pour faire la figuration, privilégiant exclusivement des garanties matérielles pour résoudre «les problèmes du ventre». «Je partage l’idée selon laquelle se complaire dans les nominations et refuser la compétition, paraît aux yeux des détracteurs de la femme comme une affirmation de leur faiblesse», note la présidente du MPR/Fait privé.

«Je pense, souligne-t-elle, que la femme devrait faire la différence. Elle devrait se battre pour obtenir la correction de ce mal, en recherchant le consensus autour de l’intérêt supérieur de la nation, la politique étant un moyen et non une fin».

«La politique, poursuit-elle, est une fonction parlante. Il faut savoir revendiquer ses droits à haute voix et dire ses aspirations. Le manque de combativité et la passivité doivent être bannis de notre lutte, si nous voulons émerger. Nous devons regarder l’avenir et nous servir du passé pour éviter de commettre les mêmes erreurs».


«Les femmes doivent se battre pour qu’en cas de perte d’une fonction ou à la fin d’un mandat, qu’elles maintiennent leur niveau de vie. Leur dignité en dépend».

C’est dans cette optique que Nzuzi wa Mbombo salue toutes ces femmes des partis politiques et de la Société civile qui, comme elle, se sont battues pour faire respecter, à travers la Constitution, la dimension genre en vue d’assurer la représentativité des femmes dans les institutions. «Nous avions obtenu, écrit noir sur blanc, que le partage du pouvoir équitable et équilibré, devrait permettre à la femme de se retrouver à tous les niveaux de responsabilité».

Soutenant que les femmes représentent 53 % de la population congolaise, Nzuzi wa Mbombo ne s’explique pas pourquoi elles sont marginalisées au niveau des responsabilités politiques. Elle les exhorte, dès lors, à se battre pour défendre leurs intérêts, la politique n’étant pas incompatible avec leur rôle d’épouse, de mère et de femme. 
 
La présidente du MPR/Fait privé met toutefois du bémol dans son discours. «Je dois reconnaître qu’être chef d’un parti politique dans notre pays, n’est pas une chose facile. Tous les poids du parti, au plan financier, repose sur le président. La notion de cotisation par les membres n’est pas très intégrée dans les coutumes politiques. Sans oublier la crise économique qui a rendu les militants vulnérables. Dans cet environnement, il est difficile de voir plusieurs femmes prendre l’option de créer des partis politiques».  

Fustigeant le débauchage et le vagabondage qui caractérisent la classe politique congolaise, faisant des femmes le marchepied des propagandistes, Nzuzi wa Mbombo exhorte ses congénères féminins à la prudence : «Les femmes en politique doivent se battre pour organiser leur vie, de sorte qu’en cas de perte d’une fonction ou à la fin d’un mandat, que les familles ne soient pas déséquilibrées, et qu’elles maintiennent leur niveau de vie. Leur dignité en dépend».

Yves KALIKAT

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