samedi 2 juillet 2011
Rotaract club de Kinshasa : Angella Basua aux commandes
samedi 25 juin 2011
Mazembe en finale, les Kinois en liesse
Bras levés, deux doigts pointés vers le ciel en signe de victoire, les Kinois envahissent les rues, les visages débordant de joie. «Deux à zéro, Mazembe en finale !», scandent-ils à tue-tête, improvisant même un défilé spontané tout le long du large Boulevard du 30 juin, débordant de monde.
Il est 19 heures à Kinshasa ce mardi 14 décembre 2010. Le match entre le TP Mazembe Englebert de la République démocratique du Congo et le Sport Club Internacional du Brésil vient à peine de prendre fin. Dans les rues de la capitale, la fête commence. Les «shégués» (enfants de la rue, NDLR) sont les premiers à annoncer la nouvelle aux passants : «Mazembe est champion, il vient d’écraser l’équipe du Brésil par deux buts à zéro».
Il est 19 heures à Kinshasa ce mardi 14 décembre 2010. Le match entre le TP Mazembe Englebert de la République démocratique du Congo et le Sport Club Internacional du Brésil vient à peine de prendre fin. Dans les rues de la capitale, la fête commence. Les «shégués» (enfants de la rue, NDLR) sont les premiers à annoncer la nouvelle aux passants : «Mazembe est champion, il vient d’écraser l’équipe du Brésil par deux buts à zéro».
mercredi 22 juin 2011
Marie Chantal Kaninda :
Vivre au Congo sans corrompre
Vivre au Congo sans corrompre
Marie Chantal Kaninda fait de la lutte contre la corruption son cheval de bataille. Représentante de la multinationale De Beers en République démocratique du Congo, elle dirige un groupe de travail restreint qui s’attèle à mobiliser les entreprises tant publiques que privées dans la lutte contre la corruption. Au magazine Optimum, elle explique le bien-fondé de cette initiative.
Joëlle Bile : «L’expo ESU a montré à la face du monde les œuvres d’esprit des étudiants congolais»
Joëlle Bile en pleine exposition. |
Mariée et mère de deux enfants, Joëlle Bile Schetter dirige une agence en communication implantée à Kinshasa. Diplômée en relations publiques, elle a décidé de lancer "Spirituellement vôtre", "le tout premier magazine chrétien de la République démocratique du Congo". Pour plus de visibilité, elle a participé activement à la première édition de l'Expo ESU (Exposition des Etablissements de l'Enseignement supérieur et universitaire, NDLR) en 2010 dans le stand de l'Institut facultaire des sciences de l'information et de la communication (IFASIC).
Depuis quand votre magazine est-il sur le marché ?
C'est depuis le mois d'avril dernier que nous avons lancé le premier numéro de "Spirituellement votre". Il a été imprimé en dehors de la RDC. Si nous prenons en compte le temps pris pour le recevoir au pays, nous dirons qu’il est disponible depuis le mois de mai, pratiquement un mois.
Sur toutes les affiches, vous signalez que votre revue est le tout premier magazine chrétien de la RDC. Etes-vous si sure ?
En fait, personnellement, je n’en ai jamais vue d’autres. Et s’il y en a, ils ne se sont pas fait connaître ni à moi, ni à ceux qui sont autour de moi. Je me suis donc naturellement considérée comme la première. Je me dis que les ouvrages chrétiens, il a dû y en avoir, de même des revues parlant de la chrétienté d’un point de vue ou d’une approche chrétienne, il y en a sans doute. Mais un magazine chrétien qui traite des faits de société, qui parle de choses de la vie de tous les jours en ayant tous une approche biblique, je ne pense pas qu’il en existe encore. Et si c’est vraiment le cas, je n’en ai pas vu, pas non plus les 5.000 lecteurs qui se sont procuré le magazine «Spirituellement vôtre».
Avec les nombreuses tendances de chrétiens en RDC, êtes-vous sûre de maintenir longtemps votre ligne éditoriale ?
C’est un premier jet. Nous avons lancé ce numéro zéro qui est ouvert à toutes les critiques, observations, remarques… Maintenant, me demander si, avec tous les chrétiens ça va être possible d’avoir une ligne éditoriale, je dirai tout simplement qu’on est tous conscient aujourd’hui que la société congolaise est minée par des antivaleurs. Je voudrais donc, à travers ce magazine, briser l’élan à ces antivaleurs en se référant simplement à la Parole de Dieu. Qu’on soit catholique, protestant ou pas, on est tout de même conscient que la corruption, la prostitution… rongent notre pays et prennent des proportions considérables. Le manque de lecture est aussi un facteur nocif qui détruit notre pays. Qu’on soit donc d’une tendance ou d’une autre, du moment qu’on est chrétien, on est capable de se retrouver dans un magazine comme celui-ci.
Votre magazine est-il exclusivement réservé aux femmes ?
Non, pas du tout. Nous n’allons pas entrer dans des considérations doctrinales. Je pense toutefois que celui qui est chrétien, c’est l’être humain. Pas son corps, encore moins son sexe. C’est plutôt l’esprit qui est chrétien. Qu’on soit homme ou femme, on est appelé à connaitre les choses de Dieu.
Où avez-vous fait vos études ?
J’ai passé mes études en communication pendant deux ans à l’ISTI à l’époque. C’était en 1997. Ensuite, je suis allée poursuivre mes etudes en France, à l’Université Bernard Jucie, à Versailles où j’ai eu mon diplôme. Toutefois, s’il y a un endroit qui m’a donné envie de faire ce métier, c’est à l’IFASIC, ici au Congo. C’est pourquoi je reviens à la source.
Est-ce pour cela que vous avez préféré exposer dans le stand de l’IFASIC ?
Je suis particulièrement heureuse et satisfaite de cette exposition. Je salue d’ailleurs avec tous mes respects le ministre de l’Enseignement supérieur et universitaire (ESU) qui a concrétisé cette initiative jamais prise auparavant. Cette exposition permet de montrer à la face du monde les œuvres de l’esprit réalisées par les étudiants congolais, qu’ils soient encore sur le banc de l’université ou diplômés œuvrant avec d’autres étudiants. Moi par exemple, je suis une ancienne étudiante, mais je travaille avec trois journalistes qui sont encore étudiants à l’IFASIC. Ils auraient dû exposer avec moi, mais comme j’en suis la rédactrice, j’ai répondu au rendez-vous.
Au terme de l’expo ESU, quel bilan faites-vous de ces journées ?
J’aime parler de choses positives. C’était pour moi un très grand succès. Ca m’a permis de me rendre compte du nombre d’universités qui existent. C’était aussi l’occasion de faire des rencontres mutuelles, une découverte de l’autre… C’est une première qu’il faut soutenir parce que le ministre a montré que les étudiants congolais sont capables de faire des choses qu’on croyait inexistantes ici. Je salue donc cette initiative. Bien entendu, pour une première expérience, c’est sûre qu’il y a des imperfections, des approches à corriger lors de la deuxième édition que j’aimerais voir. C’est un grand succès, parce qu’il n’y avait pas que l’exposition. Il y avait aussi des conférences auxquelles nous avons assisté, des théâtres classiques qu’on a plus l’habitude de voir, parce qu’à la télévision, on ne nous présente que du théâtre populaire. C’est merveilleux ce que nous avons vécu ! Une fois de plus, bravo a l’Enseignement supérieur et universitaire.
Si jamais demain, on organisait une autre édition, que suggéreriez-vous pour améliorer la qualité de cette rencontre universitaire ?
Déjà, une préparation beaucoup plus soutenue, parce qu’on a senti quelques impréparations de la part de plusieurs stands et intervenants. Il faudrait que les gens travaillent en symbiose. En tout cas, au niveau de l’exposition, il n’y avait pas mal d’exhibitions qu’on aurait pu faire. Tout le monde dit avoir été pris de cours, tout le monde estime qu’il n’avait pas les moyens… Je pense donc que, pour les prochaines éditions, il faudrait un travail en symbiose, une synergie qui se crée pour donner vraiment le meilleur de nous de la part de tout le monde.
Propos recueillis par Christelle LUZAMBA et Yves KALIKAT
Isidore Ndaywel : "Le redressement de la RDC passe par la formation et le travail"
Fils d’enseignant, le professeur Isidore Ndaywel E-Nziem enseigne dans plusieurs universités à travers le monde. Historien de renom, il a publié plusieurs ouvrages, en l’occurrence «Nouvelle histoire du Congo». Coordonnateur du Comité scientifique du Commissariat général du Cinquantenaire, structure chargée d’organiser le jubilé de l’indépendance de la RDC, il exhorte les Congolais à espérer en un avenir meilleur, tout en les conviant à se former davantage et à bien travailler.
En cette année où les Congolais célèbrent le jubilé de leur indépendance, le professeur Isidore Ndaywel estime le moment propice pour s’arrêter et se demander d’où l’on vient, où l’on est et où l’on va. Ces questions s’avèrent, selon lui, fondamentales pour tous ceux qui veulent ménager leurs montures en vue de mieux baliser les voies de l’avenir.
«On ne peut pas, affirme-t-il, parler du cinquantenaire sans parler de l’histoire. Et on ne peut pas non plus prétendre aimer le Congo si on ne le connaît pas. Voilà pourquoi dans la formation, il est important d’insister sur des données de connaissance de son propre pays. Le Congo dans l’espace et dans le temps est un élément qui devrait faire l’objet des préoccupations de tout système. Le Congo dans l’espace, c’est-à-dire sa géographie, doit avant tout être fort maîtrisé. Mais, ce n’est pas mon propos. Mon propos concerne le Congo dans le temps».
«Les millénaires qui nous ont précédés, c’est la partie de notre histoire où s’est forgé notre patrimoine, immatériel certes, mais important».
Pour Isidore Ndaywel, l’histoire de la RDC peut être repartie en plusieurs séquences. «La plus récente, explique-t-il, c’est le cinquantenaire qui concerne les 50 dernières années, de 1960 à nos jours. Cette séquence est la suite de celle du Congo belge, de 1908 à 1960. 52 ans de statut d’un pays colonisé ayant pour métropole la Belgique. Spécifiquement coloniale, cette séquence est aussi la continuité d’une autre, le premier ordre colonial. Nous sommes entrés en colonisation par une proclamation d’indépendance. Nous avons été Etat indépendant du Congo pendant 23 ans, de 1885 à 1908, avec pour souverain le roi Léopold II. Installé dans la lointaine Belgique, il était à la fois roi des Belges et roi souverain du Congo. Et avant cela, il y a eu des millénaires d’histoire de nos populations sur cet espace qu’est le Congo».
Faisant le bilan du passé, Isidore Ndaywel reconnaît que chacune des séquences de l’histoire du Congo a des acquis. «La toute première séquence que nous maîtrisons insuffisamment, c’est l’âge précolonial, affirme-t-il. Les millénaires qui nous ont précédés, c’est la partie de notre histoire où s’est forgé notre patrimoine, immatériel certes, mais important. C’est ce qui fait que nous soyons ce que nous sommes, que nous puissions avoir des institutions sociales aussi solides qui font que, chez nous, il y ait cette convivialité, cette importance accordée à notre ami, cette joie de vivre malgré notre misère, alors que la situation est beaucoup plus dure. C’est un patrimoine dont il faut être fier, tellement d’autres peuples n’en bénéficient pas. Je n’en veux pour preuve que les statistiques de crises cardiaques qu’il y a dans le monde ! ».
«L’Etat congolais est vieille de 125 ans. Nous sommes donc un Etat qui totalise cinq quarts de siècles… Et c’est la deuxième fois que nous célébrons le cinquantenaire.»
Isidore Ndaywel est beaucoup plus optimiste lorsqu’il aborde les deux autres séquences : «La constitution de l’Etat congolais, qui date de 1885 à nos jours, est vieille de 125 ans. Nous sommes donc un Etat qui totalise cinq quarts de siècles ! Une trajectoire absolument confortable dans l’histoire globalement, a fortiori dans l’histoire africaine, où il y a tellement de choses récentes. Et l’acte fondateur de cet Etat, c’est la proclamation, le 1er juillet 1885 à Vivi (Bas-Congo), de l’existence de l’Etat indépendant du Congo».
«Et, je tiens d’ailleurs à vous le rappeler, c’est la deuxième fois que nous célébrons le cinquantenaire, assure l’historien congolais. Nous avions déjà célébré, en 1935, le premier cinquantenaire de l’existence de notre Etat. Si vous allez dans certaines villes comme Lubumbashi, le Parlement actuel s’appelait naguère «Le Cinquantenaire». Il y avait même le parc du cinquantenaire».
«Nous avions acquis, en 1935, nos 50 ans d’existence comme Etat. Et le 1er juillet constituait notre fête nationale jusqu’au 30 juin 1960».
De quel cinquantenaire s’agit-il ? «Eh bien, répond Isidore Ndaywel, nous avions acquis, en 1935, nos 50 ans d’existence comme Etat. Et le 1er juillet constituait notre fête nationale jusqu’au 30 juin 1960. C’était le jour où nous célébrions notre fête nationale et où nous présentions notre drapeau bleu à l’étoile d’or, très vieux drapeau qui date de 1877, au moment où la commission d’histoire de l’Association internationale africaine a adopté son emblème. C’est cet emblème qui continue jusqu’à ce jour, certes avec des réaménagements et modifications jusqu’à la présentation actuelle».
Comme bon nombre de Congolais, le professeur Ndaywel décrie les méfaits du système colonial, mail il ne voit pas tout en rouge. «Nous avons, dit-il, raison de dénoncer les maux de la colonisation belge, mais elle nous a apporté aussi des acquis importants. Elle a notamment été caractérisée par ce qu’on appelle «l’administration indirecte», héritée des colonisations britanniques suivant lesquelles il ne faut pas mélanger les indigènes avec les Blancs».
Selon l’historien congolais, «l’administration indirecte» reposait sur la ségrégation. «Il fallait, explique-t-il, laisser les indigènes dans leurs villages, les enfermer dans leurs cités, pour qu’ils soient gérés par leur droit coutumier, par leurs chefs traditionnels. Il ne fallait pas qu’ils aient trop d’accès à des langues importées, en l’occurrence la langue française. Il fallait s’adresser à eux, les évangéliser dans leurs langues indigènes».
Pour le professeur Ndaywel, «c’était de la discrimination, certes, mais, c’est par cette discrimination qu’il y a maintenant un coté positif. Ce que nous avons eu la chance d’avoir été toujours proches de nos cultures traditionnelles, d’avoir conservé nos langues, nos usages par rapport aux autres régions d’Afrique où l’écart est très important par rapport à ce passé».
«Aucun pays colonisateur n’a, à un moment donné, décidé que la colonisation était assez suffisante pour que le pays colonisé devienne indépendant».
Lorsqu’il évoque la vague des indépendances en Afrique, l’historien congolais assure que c’est une phase incontournable qui s’accompagne bien souvent de scènes de violence. «Dans l’histoire du monde, commente-t-il, on accède à cette étape presque toujours de la même manière. Nous ne connaissons nulle part l’expérience de colonisation où le pays colonisateur a, à un moment donné, décidé que la colonisation était assez suffisante pour que le pays colonisé devienne indépendant».
«Il était donc important que nous accédions à l’indépendance, à la prise en charge, par des autochtones, de cette nouvelle forme de modernité d’origine extérieure qui s’est introduite chez nous à l’occasion de la colonisation, soutient Isidore Ndaywel. C’est l’exercice de l’appropriation de ces instruments de modernité politique (l’Etat-nation, la démocratie, la gestion économique moderne, la gestion culturelle moderne…) par les autochtones, qui s’avère une étape incontournable dans l’évolution d’une nation. On n’y arriverait pas si on voulait faire le contraire».
Aux nostalgiques congolais qui regrettent encore «la belle époque coloniale», le Coordonnateur du Comité scientifique du Commissariat général du Cinquantenaire se montre sec : «La colonisation est finie. Organisons le quarantième jour de ce deuil colonial. N’en parlons même plus ! Pourquoi parlons-nous encore tant de la Belgique ? Ce n’est qu’un partenaire parmi tant d’autres. Nous sommes au cinquantenaire. Nous avons invité un certain nombre de chefs d’Etat, on n’en parle pas. On parle seulement du roi qui arrive ou qui n’arrivera pas. Le roi n’est qu’un invité, chef d’Etat parmi tant d’autres ! Je crois que ce sont ces relents de la colonisation qui demeurent dans notre esprit».
«Faut-il fêter le cinquantenaire ? Bien sûr ! Il n’y a pas un niveau de richesses particulier pour fêter ! En cette année, 17 pays africains fêtent leur jubilé d’indépendance»
«Faut-il fêter le cinquantenaire ?», se demandent certains observateurs qui estiment que les festivités du jubilé seraient de trop pour un pays en crise. «Bien sûr que oui, rétorque Isidore Ndaywel ! Il n’y a pas un niveau de richesses particulier pour fêter ! Le jour où un élève réussit son examen d’Etat, si son père lui dit qu’il n’a pas d’argent pour organiser la fête, peut-il être content ? Lorsqu’on a de l’argent, on décide d’aller fêter au Grand Hôtel ! Quand on n’en a pas, on choisit le bar d’à coté ! Et quand on a un peu moins, on achète un casier de boissons sucrées qu’on consomme devant la maison. Parfois même on n’a rien du tout, alors on passe la soirée dans une veillée de prière ! Totaliser 50 ans et ne rien faire, cela n’a aucun sens pour notre culture».
«Sommes-nous si malheureux que cela pour ne rien faire ?», s’interroge l’historien congolais. «En cette année, rappelle-t-il, 17 pays africains fêtent leur jubilé d’indépendance. Pensez à la situation du Togo qui a dû combiner la célébration d’indépendance avec les élections. Pensez à la Côte d’Ivoire qui fête, cette année, ses 50 ans d’indépendance malgré tous ces problèmes ! Pensez à Madagascar qui a eu son indépendance, deux à trois jours avant le 30 juin ! Ils vont célébrer leur indépendance avec nous cette année. Ne sommes-nous pas dans une situation plus enviable que ces pays-là ?»
«Le cinquantenaire doit être une sorte de veillée d’armes pour nous réarmer des énergies nouvelles»
Partant des festivités de l’indépendance, Isidore Ndaywel exhorte ses compatriotes à combattre cette fatalité qui les pousse à affronter l’avenir avec pessimisme. «Le cinquantenaire doit être une sorte de veillée d’armes pour nous réarmer des énergies nouvelles, clame l’historien congolais. Il faut que nous puissions nous organiser pour travailler sérieusement. Il est temps de nous réveiller, de décider de construire notre pays pour faire quelque chose de notre vie. Nous vivons certes dans la crise. Or, c’est pendant la crise qu’il y a émergence de grands hommes. De cette crise, ce qui est certain, c’est qu’il y aura de grands hommes. Et c’est à chacun de décider s’il sera compté parmi eux’’».
Aux jeunes, élites de demain, Isidore Ndaywel demande d’éviter la vie facile et leur recommande une formation assidue : «Nous avons des réclamations des étudiants pour plusieurs raisons. C’est toujours parce qu’ils veulent des recommandations, des arrangements… Jamais parce qu’ils ont pris conscience qu’ils veulent être bien formés. Mais, vient un moment où on ne peut pas tricher avec la vie. Vous dites que vous êtes licencié en économie ? Très bien, il faut maintenant travailler. Vous n’arrivez même pas à écrire correctement. Vous dites que vous êtes maintenant médecin ? Voilà un malade, allez-y. Et vous ne savez même pas le soigner».
«Vous ne pouvez pas vous permettre une vie de médiocrité dès lors que vous voulez être un citoyen du Congo, un citoyen du monde en ce millénaire, s’insurge le professeur Ndaywel. Il faut prendre la porte étroite. Même quand nous sommes étudiants, nous devrons nous décider de construire notre pays, d’aller désormais à contre-courant, de refuser des points qu’on nous donne gratuitement par des recommandations, de petits arrangements, parce que nous voulons être formés correctement».
«L’amélioration de la situation n’est jamais instantanée ! C’est un processus. Et moi, je constate que ce processus a bel et bien démarré».
Optimiste en l’avenir du Congo, Isidore Ndaywel reprend en chœur l’affirmation du ministre Maker Mwangu de l’Enseignement Primaire, Secondaire et Professionnel (EPSP) : «Jamais, je n’ai vu mon pays constituer un si vaste chantier comme aujourd’hui». En séjour à l’étranger depuis une décennie, l’historien congolais voit de bon œil le vent de changement qui pointe à l’horizon : «L’amélioration de la situation n’est jamais instantanée ! C’est un processus. Et moi, je constate que ce processus a bel et bien démarré».
«Moi qui étais longtemps absent du pays, qui ai passé près de dix ans à l’étranger, je ne comprends pas ce qui se passe avec les salles de fête à Kinshasa, s’étonne le professeur Ndaywel. Elles sont toutes occupées. Il y a une telle prospérité au point qu’on est, de fois, obligé de faire le mariage le vendredi ! Il y a même une convivialité incroyable. Invité récemment à un mariage dans la commune de Ngaba, je m’attendais à une cérémonie modeste. Mais, j’ai été étonné de voir qu’il y avait au moins 3 mètres de cadeaux emmenés par l’assistance pour les mariés ! ».
«Même les embouteillages que nous voyons, c’est signe de quelque chose de nouveau, poursuit l’historien congolais. Qu’on voie tout d’un coup tas de véhicules sur nos routes, ce qu’il y a quelque chose qui a démarré».
«Lorsque nous nous mettrons véritablement au travail, nous prendrons des raccourcis pour atteindre le développement».
«C’est à dessein que j’appelle les Congolais au travail, souligne le professeur Ndaywel. Je vous rappelle la devise du pays : «Paix, justice et travail». Or, notre devise lors de l’Etat indépendant du Congo, pendant la période coloniale, c’était : «Travail et progrès». Donc, pendant les 125 ans de l’Etat congolais, il y a un élément qui est resté permanent dans la devise nationale. C’est le mot : travail. C’est grâce à cela que la colonie belge était une colonie modèle qui avait des infrastructures les plus enviées. Nous étions même en avance par rapport à l’Afrique du sud ! Brazzaville ne pouvait même pas se permettre de se comparer avec la ville de Léopoldville, parce qu’il y avait cette notion du travail».
«Eh bien, conclut Isidore Ndaywel, j’ai la conviction qu’un re-enfantement du Congo est possible. Et je suis sûr que, lorsque nous nous mettrons véritablement au travail, nous prendrons des raccourcis pour atteindre le développement. Je pense que, même si nous continuons, rien que comme on est là, dans trois ans, le monde sera surpris. Lorsqu’on vient d’Europe et qu’on revient au Congo où on dit qu’il y a la guerre, la misère, le sida, on est étonné de voir le changement en cours».
Propos recueillis par Yves KALIKAT
Tiré du magazine Optimum n 1
Gilda Lopes : L’auberge des investisseurs
Gilda Lopes : L’auberge des investisseurs
Elle est universelle. Suédoise, née des parents capverdiens, Gilda Lopes Moupondo est mariée à un Congolais. Hospitalière et familière aux visiteurs venant de tous les coins du globe, cette polyglotte de 35 ans se sent plus à l’aise dans sa peau de citoyenne du monde. Pas étonnant qu’elle ait mis sur pied, dans sa terre d’accueil, une entreprise dotée d’un service original : l’Office Center, un centre moderne approprié pour la location des bureaux destinés aux investisseurs en phase d’installation ou de prospection en République démocratique du Congo.
Sa vocation, Gilda Lopes Moupondo la tire sans doute de ses nombreux voyages à travers le monde. Née au Cap Vert, cette détentrice d’un diplôme de technique supérieure en agronomie tropicale a fait ses études en Guadeloupe, en France et en Suède. Venue s’installer en RDC aux cotés de son époux qu’elle a rencontré à l’université en terre suédoise, elle a adhéré à SODEICO, l’entreprise où son mari est actionnaire depuis sa création en 1987.
A peine arrivée à Kinshasa en 2002, Gilda Lopes a eu du mal à se contenir face aux nombreuses initiatives qui fourmillaient déjà dans sa tête. Déboussolée dans une ville où les catalogues susceptibles de guider les visiteurs et les investisseurs font défaut, l’agronome a décidé de se jeter à l’eau, de venir à la rescousse de ces nombreux entrepreneurs étrangers désarçonnés. De là est née Congo relocation service, une section au sein de SODEICO.
D’une section à une entreprise
La section s’occupe, pour un premier temps, d’aider les partenaires de l’entreprise à s’installer en RDC pendant leur séjour. «Notre rôle, explique Gilda Lopes, consistait à aider nos partenaires, anglophones et francophones, à trouver un logement à Kinshasa ainsi que des bureaux. Nous les aidions à inscrire leurs enfants dans les écoles de leur préférence, à trouver un véhicule pour leur déplacement, où se faire soigner, voire dans quel restaurant s’alimenter… bien sûr, en respectant leur standing».
Jadis une activité ponctuelle, ce service a fait des émules auprès de la clientèle qui ne trouvait plus de pareille en RDC. Charmés, éblouis par la qualité de ce service de standard international, les ambassades, les multinationales, les organismes internationaux et bien d’autres opérateurs privés de haut standing ont mordu à l’hameçon : plus question de lâcher Congo relocation service d’une semelle.
A la moindre occasion, au moindre voyage en RDC, ces clients de jadis revenaient auprès de Gilda Lopes et lui recommandaient, si possible, d’autres clients. Le cercle s’est ainsi élargi au point où la jeune promotrice a jugé utile de muer Congo relocation service en entreprise autonome huit ans plus tard, en 2010.
Un couple d’entrepreneurs
Sous l’impulsion de Gilda Lopes et de son mari Mbanzi Elof Moupondo, entrepreneur et juriste de formation, la nouvelle entreprise va donner naissance à une initiative particulière : l’Office center, une sorte de centre moderne approprié pour la location des bureaux aux investisseurs en phase d’installation ou de prospection en RDC.
«Si, jadis, je travaillais avec un concept à long terme, maintenant ma vision s’étale sur le court terme, explique Gilda Lopes au magazine Optimum. J’adapte mes services aux besoins de ma clientèle : des investisseurs qui viennent momentanément en RDC avec l’idée de s’installer au pays à long terme. Le temps d’attendre que leurs dossiers soient régularisés, ces investisseurs potentiels préfèrent souvent trouver un bureau où travailler momentanément en toute quiétude. Pour répondre à leurs préoccupations, nous avons mené des recherches sur le net et visités d’autres Office center à travers le monde».
En quête de promotion de la femme
Dynamique, créative, Gilda Lopes nourrit toujours l’ambition d’aider les femmes d’Afrique à se développer par le travail. «J’aime bien les projets qui appuient la promotion des femmes, reconnaît-elle. Des idées qui visent un développement durable et adapté aux besoins de la population, et non des projets imposés de l’extérieur. Il y a tellement des choses à faire ici au Congo qui ne demandent pas beaucoup d’argent. On souhaite que la RDC soit développée dans beaucoup de domaines, et pour cela il faut privilégier la formation».
«Nous voudrions que le Congo soit de plus en plus stable, poursuit Gilda Lopes. Pour cela, il faudra que les gens apprennent à travailler ensemble, à exprimer leurs besoins ensemble pour être soutenus. Il leur faut donc être unis pour promouvoir une société qui pense aux intérêts collectifs. Que les gens comprennent que plus ils sont unis, plus ils sont forts».
«Mes loisirs, ce sont mes enfants»
Exigeante au travail, façonnée par la ponctualité suédoise, Gilda Lopes préfère consacrer son temps de loisir à sa famille : son mari et ses deux enfants. Si, du lundi au vendredi, elle est au boulot de 8 h00 à 21 h00, et le samedi de 8h00 à 13h00, elle ferme généralement son téléphone après les heures de services pour se concentrer sur son foyer qu’elle chérit tant.
«J’aime bien la nature, nous avoue-t-elle. Bien souvent le week-end, nous allons nous promener, mes enfants et moi, dans la ferme de leur grand-père paternel à Mont-Ngafula, l’une de plus vastes communes de Kinshasa».
Yves KALIKAT
Office Center : Les bureaux à la carte
Les promoteurs d’entreprises en phase d’installation ou de prospection en République Démocratique du Congo ont désormais l’occasion de louer momentanément des bureaux confortables pour travailler dans la sérénité. Ce concept qui n’existait pas auparavant, est aujourd’hui une réalité grâce à l’Office Center que l’entreprise Congo relocation service vient de mettre à la disposition des entrepreneurs à Kinshasa.
Initiative de Gilda Lopes Moupondo, l’Office Center, première initiative du genre en RDC, vient d’ouvrir ses portes dans la capitale début février 2011. Installé juste derrière le bâtiment de la Poste , au 5ème niveau de l’immeuble logé au n° 4 de l’avenue du Marché, parallèle au Boulevard du 30 Juin, ce local respire l’aisance. Lorsqu’on y accède, on a du coup l’impression de changer de continent, car les différents bureaux n’ont rien à envier à ceux d’autres Office Center qui existent dans les pays occidentaux.
Dès l’accès au hall, une réceptionniste bilingue, anglophone et francophone, vous accueille avec courtoisie. Elle se propose de gérer, pendant tout le séjour des clients, leurs visites, leurs appels téléphoniques, leurs courriers entrant, leurs fax et impressions. De haute gamme, le service de réception offre à la clientèle un kit de bienvenu (badge avec photo d’identité, carte sim, cartes de visite, carte qui donne accès à la photocopieuse, à l’imprimante, au fax…). Tous ces services sont compris dans le coût de location, et ce n’est pas tout.
Le cadre de travail
Pour l’entrepreneur venu travailler seul, il lui est accordé le choix d’opter pour un bureau individuel (The Private Office), muni de trois fauteuils (un pour le client et deux pour ses visiteurs), d’une table et d’une armoire pour classer les dossiers. L’espace de travail permet à son occupant de se retrouver dans des conditions optimales de travail.
Le client peut aussi opter pour un Open space, un espace de travail en paysage, c'est-à-dire une salle ouverte où il peut travailler avec son ordinateur aux cotés d’autres clients. Pour leurs visites, les clients de l’Open Space ont accès à des salles de discussions. Le cadre est approprié aussi bien à des collaborateurs d’une même entreprise ou des entrepreneurs œuvrant dans des secteurs différents.
Outre ces locaux, Congo relocation service a également prévu un bureau restreint de travail en équipe (The Team Office), un espace collectif privé, aménagé pour trois personnes au maximum. Dans cet espace de travail, les occupants peuvent également recevoir des visites.
Office center dispose, par ailleurs, de larges salles de conférence qu’on peut aménager à souhait, soit pour des vidéos-conférences, soit pour des réunions ou encore pour des travaux en atelier. Equipées d’internet, de rétroprojecteurs, de sonorisations et de photocopieuses et fax, ces salles ont une capacité d’accueil de 6, de 10 et de 22 personnes. Elles sont aussi bien accessibles aux occupants des bureaux qu’aux personnes externes.
Services connexes
Tous les clients de l’Office center ont libre accès à la cuisine où ils peuvent prendre leurs pauses-café ou commander des rafraîchissements qui leurs sont livrés dans leurs bureaux. Les hôtes de ce méga centre de bureaux ont aussi libre accès à une petite salle de séjour (Lounge), équipée de fauteuils de salon confortables et d’une table. Climatisée, bien aérée, cette salle donne accès au balcon et à des baies vitrées d’où l’on peut contempler le fleuve Congo et les immeubles du centre-ville de Kinshasa.
Il sied, par ailleurs de signaler que l’Office Center offre à ses occupants des avantages qu’ils ne trouvent pas dans plusieurs bureaux et hôtels de la place : un courant stable et permanent renforcé par un groupe électrogène, une connexion internet à haut débit, des périodiques, des rafraîchissements réguliers (café/thé, boisson sucrée, eau, sandwich, salades, plat froid…), un service de nettoyage… Tous ces avantages sont compris dans les frais de location.
Un personnel qualifié
Pour offrir à la clientèle tous ces services et veiller en permanence à leur bien-être, Congo relocation service recourt à un personnel qualifié et efficace, rassure Mme Gilda Lopes Moupondo. «Au total, nous disposons de sept agents, nous confie-t-elle. En dehors du Manager director, nous avons un Office manager du centre (le gestionnaire du centre), deux assistants administratifs, deux réceptionnistes et un cuisinier polyvalent».
Office Center est un produit spécialisé dans un domaine bien précis : celui d’offrir à sa clientèle un environnement de travail moderne, spacieux et taillé sur mesure. «On ne veut pas tout faire à la fois, parce que si on veut tout faire, on ne réussit généralement à ne rien faire correctement, commente Mme Gilda Lopes Moupondo. Etre spécialisé nous permet de rester professionnel et, ainsi, de marquer agréablement nos clients, afin qu’ils aient envie de revenir vers nous. Les services que nous n’offrons pas, nous les sous-traitons à des entreprises partenaires tout en gardant un regard bien vigilant dans l’intérêt de nos clients».
Yves KALIKAT
Mika Kalikat : le jeune prodige du taekwondo congolais
Mika Kalikat Abayuwe est né pour être un champion. A 17 ans, ce jeune athlète qui a vu le jour le 28 juin 1993, collectionne ses titres à la pelle. Tenant du titre national de taekwondo en version junior, il est deux fois champion du Congo et quatre fois champion de Kinshasa, avant de remporter la médaille d’argent aux Jeux africains du Maroc en juillet dernier.
Baptisé «Michaël» depuis sa tendre enfance, en référence à l’archange qui pilote l’armée du ciel, celui que ses proches appellent affectueusement «Mika», ne s’attendait pas un jour à devenir ce pratiquant d’arts martiaux qui vole de victoire en victoire. Né de parents chrétiens catholiques (Benoît Kalikat et Liska Abayuwe), ce jeune athlète dissimule, derrière son apparence douce, timide et angélique, la rage d’un vainqueur. Il faut être sur un tatami pour le voir exploser.
Pourtant, rien d’apparent ne confère à cet adolescent la carrure d’un vainqueur. Sa petite taille (1,60 m), son poids léger (47 kg), sa corpulence puérile où les biceps sont à peine perceptibles, son regard innocent… font de lui un enfant comme tant d’autres, un gamin qui passerait facilement inaperçu dans une ribambelle d’enfants.
Ascension fulgurante
Initié aux arts martiaux dès sa tendre enfance, encouragé sans doute par ses parents, Mika Kalikat se souvient avoir fait ses premiers pas en taekwondo à l’âge de 6 ans. Dès lors, son ascension est allée fulgurante, au point que ses géniteurs ont dû embarquer également ses trois jeunes frères dans la danse.
Curieux, polyvalent, «Michael» s’adonne à la fois au taekwondo, au football et à la natation. Son audace, sa détermination… ne lui apporteront toutefois pas seulement du succès dans l’univers sportif, mais également des déboires au niveau scolaire où ses efforts d’antan se sont quasiment amoindris. Il aura alors fallu la rigueur de son père, un ancien enseignant du lycée Mpiko, pour l’aider à se ressaisir, tout en conservant ses titres.
A la conquête des médailles
En 2008, lorsque Mika Kalikat se rend avec la délégation de la RDC aux Jeux olympiques en Chine, il est parmi les rares à retourner au pays avec une médaille, une médaille d’or arraché au Camp de la jeunesse à Pékin. Curieusement, son exploit passe inaperçu, tous les regards étant focalisés sur ses ainés revenus au bercail sans la moindre médaille.
En 2010, alors que «Michael» reconquiert son titre national de taekwondo après les quatre titres locaux remportés à Kinshasa, il s’envole à Yaoundé (Cameroun) d’où il ramène la médaille de bronze de la Coupe d’Afrique centrale des seniors – Zone IV. A ce succès, succède la médaille d’argent obtenue en juillet dernier à la 1ère édition des Jeux africains juniors de Maroc. Dans cette compétition en effet, Mika Kalikat parvient à venir à bout de son premier adversaire éthiopien, avant de courber l’échine devant un Tunisien, qui a déjà été champion d’Afrique.
Loin de laisser tomber ses armes, «Michael» est aujourd’hui déterminé à aller beaucoup plus loin. Il rêve même de devenir le futur champion olympique si Dieu lui prête vie.
Yves KALIKAT
dimanche 12 juin 2011
Maître Taureau : «J’ai façonné ma vie sans maître»
A 88 ans, il tient encore sur ses deux pieds. Tenace, il marche d’un pas alerte, sans l’aide d’un quelconque support, et dirige ses affaires avec une poigne de fer. Célèbre à Kinshasa et dans toute la République démocratique du Congo sous le sobriquet «Maître Taureau», François Ngombe Boseko est ce self-made man congolais qui se dit fier d’avoir façonné sa vie sans maître.
Sous la période coloniale tout comme sous le long règne du maréchal Mobutu, il a fait la pluie et le beau temps. Footballeur, artiste musicien, danseur, créateur de spectacle, promoteur de concours de beauté, coiffeur, dactylographe, opérateur économique…il a été tout cela. D’où sa célébrité.
A ceux qui l’abordent, «Me Taureau» souligne volontiers qu’il est fier de son passé. Véritable self made man, cet octogénaire sombre, au regard vif et aux yeux étirés, attribue sa réussite au travail, à la détermination, à l’audace…à Dieu. «Fonceur comme un taureau, j’ai façonné ma vie sans maître, confie-t-il au magazine Optimum. Je me suis taillé un chemin dans le roc avant de devenir ce que je suis aujourd’hui».
Mémoire d’éléphant
Eloquent, maniant à merveille la langue de Voltaire alors qu’il n’est que détenteur d’un brevet de 5ème année primaire, cette bibliothèque vivante de l’histoire de Kinshasa fait montre d’une mémoire d’éléphant lorsqu’on lui demande de raconter le passé, et bien entendu son passé où il joue un rôle déterminant.
Orphelin de père dès le bas âge, François Ngombe Boseko a dû pratiquement se débrouiller seul pour gagner sa vie. Issu de la tribu Banunu, il estime avoir vu le jour en 1922 à Bolobo, dans la province du Bandundu. Difficile à l’époque de connaître sa date de naissance, sa mère étant illettrée. C’est par ses recherches personnelles qu’il retrouvera, plusieurs années sur son chemin, une source providentielle : un inconnu lui assurera qu’il est né le même jour que sa fille dont il conservait encore son acte de naissance.
Saisir le taureau par les cornes
Consterné par la misère que vivait sa mère veuve à Bolobo et déterminé à s’épanouir, François Ngombe quitte jeune le toit parental pour aller chercher des moyens de survie à Kinshasa. En 1934, guidé par une dame qui l’achemine du voyage fluvial à la capitale, il rejoint sa grande sœur au domicile de fortune où elle vivotait, hébergée par ses amies de circonstance. Célibataire, démunie, elle n’avait même pas de quoi payer les études pour son frère.
Déboussolé, François Ngombe se décide de saisir lui-même le taureau par les cornes. «Après un an de chômage, je suis allé moi-même me faire inscrire à l’école, nous confie-t-il. J’ai juste passé trois mois en 0 année (maternelle) et puis, on m’a fait sauter de classe en 1935. J’ai alors commencé l’école primaire à Saint Joseph (collège Elikya) où je n’ai fait que cinq ans d’étude avant de déserter pour aller travailler, le coût de la vie devenant intenable».
Le pionnier du DCMP
«Cette désertion ne plût pas au Père Raphael de la Kethulle, le très sévère directeur du collège qui ne supportait guère l’école buissonnière, reconnaît Me Taureau. Ce missionnaire belge a passé deux ans à me chercher pour enfin me remettre mon brevet en 1941. Il cherchera à savoir la raison pour laquelle j’ai mis un terme à mes études. Je le lui dirais, mais il ne rompra plus jamais le contact».
Elève préféré de Me Raphaël de la Kethulle, François Ngombe l’avait en fait alléché par son talent de footballeur. Unique survivant de l’équipe originelle du Daring club Motema Pembe (DCMP), créée par ce prêtre belge, il compte parmi les premières recrues qui ont fait la fierté de cette équipe scolaire en lui permettant de remporter le titre du tournoi interscolaire de la ville en 1938 : la Coupe Saint Benjamin. De là, est née la légende du DCMP, et Me Taureau en demeure jusqu’alors le porte-étendard, le ‘‘fondateur’’.
Sollicité régulièrement pour jouer dans ce club dont la renommée a franchi les frontières nationales, François Ngombe répondra aux invitations du Père Raphael même après avoir quitté l’école. Dès lors, il ne se séparera plus de son équipe chérie et de ses couleurs favorites : le vert et le blanc.
Un autodidacte polyvalent
Au delà de ses talents dans le sport, Me Taureau révèle avoir appris beaucoup de métiers pour survivre. Contraint, faute de logis, de passer la nuit chez des amis qu’il amusait, il se décide de varier d’activités pour se prendre enfin en charge et éviter de vivoter en pique-assiette.
«Je me suis fait, dit-il, coiffeur, planton chez Damseaux (entrepreneur belge spécialisé dans l’importation des vivres frais), mécano réparateur, relieur au journal ‘‘Le courrier d’Afrique’’, pointeur chez OTRACO (actuellement ONATRA), avant de me faire dactylographe, un métier jadis réservé aux intellectuels, aux détenteurs d’un diplôme d’école moyenne, assimilés aux universitaires».
«J’ai dominé la machine à écrire, commente Me Taureau. J’étais devenu si habile à tel point que des gens venaient de la cité pour me voir taper à la machine. Les Belges m’ont aussitôt adopté. C’est ainsi que, de 1949 à 1965, j’ai fait partie des trois uniques Congolais à travailler à l’APEC, l’un de plus beaux magasins de Léopoldville (Kinshasa) à l’époque».
Le parrain de Mobutu…
Désormais locataire dans un petit studio, meublé à peine d’une natte, le polyvalent va rapidement prendre sa vie en main après le décès de ses deux sœurs. Au fil du temps, il va évoluer au point de s’acheter des vastes parcelles, notamment au quartier Yolo Kapela, dans la commune de Kalamu.
A la veille de l’année de l’indépendance, François Ngombe voit venir à lui un jeune journaliste : Joseph-Désiré Mobutu, celui-là même qui deviendra plus tard le président de la RDC. «Je ne connaissais pas ce jeune homme, relate Me Taureau. Il m’a dit qu’il était militaire et qu’il venait de quitter la Force publique. C’étais un jeune garçon poli et intelligent que j’aimais bien. Journaliste en chômage, il est venu me demander de l’aider à trouver un emploi et une maison où il habitera avec son épouse Marie-Thérèse et son enfant Niwa. On lui avait en fait conseillé de se mettre à mes cotés pour être bien encadré et avoir souvent de quoi écrire».
«Je lui ai trouvé une maison à Yolo Kapela et ensuite un boulot au journal «L’Avenir» en 1956, avoue Me Taureau. Lorsque j’ai organisé une excursion en 1957 à Bolobo où je suis né, je l’ai emmené avec moi en bateau».
Sous le parrainage de Mobutu…
C’est avec surprise que le parrain du jeune journaliste sera surpris d’apprendre en 1965 que son protégé était devenu président de la République. «Je suis alors allé lui présenter mes félicitations, commente François Ngombe. Moi qui tonnais sur lui avant, je suis subitement devenu son subalterne. J’ai reconnu qu’il était devenu chef d’Etat et que je ne pouvais plus lui parler comme avant. Il a même changé de milieu, tout en restant un garçon gentil et reconnaissant».
Devenu le Magistrat suprême du pays, Joseph Désiré Mobutu va, à son tour, devenir le parrain de Me Taureau. Il lui suffisait juste de quelques coups de fil pour faciliter ses tournées, ses voyages à l’extérieur du pays.
Une carrière culturelle fulgurante
Homme de culture Me Taureau vit en Mobutu un solide mécène qui l’aida dans la promotion de ses activités. Fondateur de l’Union nationale des folklores congolais (UNAFOCO), la toute première association des groupes folkloriques en RDC, il réussit, avec ses troupes de danse, à faire le tour du monde : Iran, Japon, les deux Corées, Suisse, Etats-Unis, Maroc…
Outre la danse traditionnelle, il révèle être aussi à l’origine de la première école de danse moderne à Kinshasa en 1945. «Fin danseur, assure-t-il, je dansais moi-même alors que je n’ai été nulle part pour apprendre à danser. Avant moi, il n’y avait pas d’orchestre au Congo. Les gens se contentaient juste de la musique de phono. J’ai alors créé deux orchestres : une masculine (Continental) et une féminine (Emancipation)».
Contemporain de Wendo Kolosoy, considéré jusqu’alors comme le doyen de la musique congolaise, Me Taureau soutient que c’est lui qui a demandé à ce chanteur de se lancer sur la scène musicale au lieu de s’éterniser à chanter avec sa guitare pour les voyageurs dans les bateaux. Suivis, ces conseils ont porté bonheur à Wendo avec qui ils ont crée un orchestre, se plaît à rappeler François Ngombe.
«Par ailleurs, poursuit-il, j’étais le seul à organiser des spectacles culturels au Parc de Boeck (Jardin botanique de Kinshasa) où je faisais jouer des groupes folkloriques et de grands orchestres comme African Jazz du Grand Kalé, Afrisa de Tabu Ley, Ok Jazz de Luambo, African Fiesta du Dr Nico Kasanda…»
L’initiateur des concours de beauté
Loin de se cantonner à la musique et à la danse, Me Taureau est reconnu aussi pour avoir initié les premiers concours de beauté en RDC : «Au Parc De Boeck, quand j’organisais mes soirées culturelles, j’apprenais aux femmes comment marcher, comment porter le pagne… C’était en 1947. A l’époque, il n’existait pas de maillots de bain comme aujourd’hui. La femme s’habillait avec dignité. L’expression ‘‘Miss’’, on ne le savait même pas !»
«J’ai commencé à organiser réellement le concours Miss en 1968, parce que j’étais parmi les rares initiés à connaître les critères de sélection internationale de la plus belle fille, note l’octogénaire. Avec moi, le Congo est le tout premier pays africain à organiser ces types de concours de beauté. Lorsque j’ai emmené pour la toute première fois la miss Congo à l’élection Miss Univers en 1969 aux Etats-Unis, je n’y ai trouvé qu’une seule femme noire : une Américaine. Dès lors, jusqu’en 1972, je ferai participer la Miss Congo à l’élection Miss Univers. Après les Etats-Unis, nous sommes partis en Corée du Sud, puis au Japon et en Grande-Bretagne».
L’initiateur des concours de beauté
Fort de ce passé prestigieux, Me Taureau se contente à présent de gérer ses affaires privées au quartier Yolo où il dispose des larges espaces (bureaux, hôtels, salles de fête…) qu’il fait louer aux églises et aux acteurs politiques.
Aux jeunes générations, le sage octogénaire leur prodigue quelques conseils pour assurer leur succès dans le futur : «Je veux que chacun gagne sa vie honnêtement. Qu’on ne croise jamais les bras, sinon on n’aura de quoi manger. Il faut se mouvoir et chercher à gagner sa vie par l’effort. Par ailleurs, j’invite mes cadets à aimer Dieu, à Le craindre et à respecter ses lois ainsi que celles du pays».
Yves KALIKAT
Jean Goubald : «Il faut une famille et une éducation solides pour avoir des artistes de haut niveau»
Le public l’appelle affectueusement «Jean Goubald». Né Jean-Marie Kalala Mudibu, ce chanteur de renom est sorti des sillons ordinaires des musiciens congolais pour exploiter une musique originale, recherchée. Dépité d’assister au déclin de sa société, il est convaincu que le redressement du pays passe par la réhabilitation de la famille et de l’école.
Passionné pour la musique, Jean Goubald se promène rarement sans sa guitare. Autodidacte, il a fait un long itinéraire avant de se lancer dans la carrière solo en 1988. «J’ai fait mes études tout en tâchant d’approfondir la guitare, relate-t-il. J’ai presté dans les orchestres de l’école, de l’université de Kinshasa, de la paroisse Saint Augustin de Lemba et dans certains groupes de la place : Zaïko Nkolo Mboka, Minzoto Wela-Wela, Bongo folk, Okwess… J’ai fait aussi la musique folklorique avec les Basengele (Bandundu), les Babunda (Bandundu), les Bashi (Sud-Kivu), après avoir presté aux cotés de Gérard Madiata et du reggaeman Okoum One One».
Une année après la célèbration du cinquantenaire de l'indépendance de la RDC, l’auteur de «Bombe anatomique» se dit fier du travail abattu par ses ainés dans l’art d’Orphée. «On a eu, dans le temps, des musiques recherchées, travaillées, reconnaît-il. Les artistes qui nous ont précédés, ont réussi à faire parler de notre musique partout dans le monde. Aujourd’hui, nous jouissons de cet héritage».
Subjugué par le riche contenu des chansons congolaises d’antan, Jean Goubald a pris goût aux jeux des mots qui donnent aujourd’hui de l’aura à sa musique. «Bien que j’aie fait la section math-physique, j’ai été alléché par la lecture au collège Boboto, confie au magazine ‘‘Optimum’’ cet ancien élève des Pères jésuites. Mon talent s’est développé aussi en famille où ma mère et mon père, un ancien séminariste, aimaient jouer avec les mots. Je me plaisais, dès lors, à côtoyer leurs proches qui manipulaient à loisir la langue de Voltaire».
«Aujourd’hui, on fait de la musique juste pour gagner de l’argent. Ce n’est plus tellement l’art qui compte !»
Le dérapage intervenu ces dernières années dans le monde musical congolais ne laisse indifférent Jean Goubald. «Aujourd’hui, regrette-t-il, on fait de la musique juste pour gagner de l’argent. Ce n’est plus tellement l’art qui compte ! Raison pour laquelle il y a plus de «mabanga» (cris en l’honneur d’une personne, NDLR) que des mots qui composent la chanson elle-même. Le travail d’un artiste doit être plutôt raffiné. Ce n’est plus le cas de nos jours. C’est ce qui me pousse à travailler ma musique : mes textes, mes accords, mes harmonies…».
«C’est qu’on appelle la musique congolaise aujourd’hui, c’est une chanson, une seule chanson, déplore l’auteur de «Bombe anatomique». Si on a une autre de trop, c’est deux schémas d’harmonie, et puis c’est fini ! On ne cherche pas à innover ! Je me demande si les gens comprennent qu’ils sont en train de reprendre la même chose ! Si on n’a même pas le niveau de le comprendre, ce qu’on se plait à la routine !»
«Tout est dû au déclin de l’enseignement et de la famille»
L’ancien élève des Pères jésuites déplore, en outre, la frivolité qui caractérise bon nombre de musiciens congolais et qui se répercute sur la jeunesse en crise de modèle. «Aujourd’hui, révèle Jean Goubald, la réussite est brandie en termes de matériels. Les gens se ruent sur les jeeps, les maisons, les habits de haute couture… pour montrer qu’ils ont réussi. Pour eux, la réussite, ce n’est pas un cheminement, un travail, un effort. Non ! Rien n’est ancré, rien n’est intérieur, tout est apparent !»
«Ceux qui veulent entendre leurs noms dans les chansons, bénéficier des «mabanga», note Jean Goubald, déboursent facilement des milliers de dollars. Mais, pour quel but ? Juste le m’as-tu vu ! C’est ce qui emmène de l’argent dans les poches des musiciens, en plus de fonds des brasseurs en quête des consommateurs désireux de boire et de s’enivrer. Mais est-ce qu’alors les œuvres sont bien valables pour être achetées dans le monde ? Je sais qu’au Congo, la fortune, c’est l’apparence. Ca me désole».
Jean Goubald dresse aussi un bilan négatif du travail des producteurs. «La production se planifie, mais ici chez nous, rien n’est planifié, déplore le chanteur kinois. Aujourd’hui, le Congolais veut juste un peu d’argent dans ses poches et puis point final. Il n’y a pas de producteurs sérieux dans ce pays ! Des gens qui commencent par découvrir, aimer ce que fait l’artiste et l’accompagner dans sa carrière, on les retrouve à peine».
Ces notes noires ne sont pas des faits isolés, constate Jean Goubald. «Tout est dû au déclin de l’enseignement et de la famille, commente-t-il. Tous les domaines de la vie nationale sont touchés, et la musique un peu plus parce que, parait-il, c’est un domaine qui est réservé aux ratés de la société. Ce retard, je crois, est dû aux politiciens qui, pour des intérêts égoïstes, s’engouffrent dans des guerres de clans, de tribus… Car, depuis qu’on est indépendant, il n’y a pas un seul moment où on a eu des politiciens qui avaient une vision de progrès du pays. On se fout de l’éducation, de l’instruction, de la scolarité. Comment voulez-vous alors que le travail de l’homme ne dégringole avec lui ? Or, la musique fait partie du travail de l’homme. Pas étonnant qu’on ne puisse plus retrouver ce goût de la musique raffinée qu’on faisait avant !»
«On ne peut pas chercher des textes savants auprès de musiciens qui n’ont pas été instruits».
Face à ce constat amer, Jean-Marie Kalala propose un remède simple. «Il faut, dit-il, commencer par revenir à la source : réhabiliter la famille, l’école… Pour réhabiliter la famille, il est nécessaire d’améliorer la vie du fonctionnaire, car c’est par son niveau de vie qu’on sait jauger l’image de la société. Quand le fonctionnaire est impayé ou très mal payé, on voit ce que ça donne ! Ici en RDC, le salaire du fonctionnaire est si bas qu’il a des répercussions sur son niveau de vie. Comment voulez-vous que sa famille tienne le coût ? On ne peut pas commencer par faire l’effort en musique, alors que les musiciens sont tous issus de familles ! Moi, je n’aime pas soigner les ganglions, j’aime plutôt soigner les plaies».
«Pour avoir des acteurs de haut niveau dans la société, artistes inclus, il faut disposer d’une famille et d’une éducation solides, estime Jean Goubald. On ne peut pas chercher des textes savants auprès de musiciens qui n’ont pas été instruits. On ne peut pas demander à quelqu’un qui n’a pas été bien éduqué, de faire sortir quelque chose de bon de sa bouche. On ne peut donc donner que ce que l’on a. C’est l’instruction, l’éducation reçue qu’on transmet. Ce n’est pas parce qu’on commence à faire de la musique aujourd’hui que, d’emblée, on va se transformer, qu’on va subitement composer de belles paroles !»
«Si, sincèrement, on va commencer par soigner la plaie, il est fort possible que, dans dix ans, le pays aille loin, souligne Jean Goubald. Sinon, on va continuer à se tromper, à brandir le superficiel pour que l’on ne puisse pas voir le travail de fond, le travail sérieux qui doit se faire avec beaucoup d’amour».
Propos recueillis par Yves KALIKAT
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